mardi 19 janvier 2010

Monumenta 2010 / Christian Boltanski

Confrontation artistique de très grande ambition, MONUMENTA invite chaque année, à l’initiative du ministère de la Culture et de la Communication / Délégation aux arts plastiques, un artiste contemporain de renommée internationale à investir les 13 500 m2 de la nef du Grand Palais avec une œuvre magistrale spécialement conçue pour l'occasion.

Après le succès des deux premières éditions de MONUMENTA confiées à Anselm Kiefer, en 2007, puis au sculpteur américain Richard Serra, en 2008, qui attirèrent chacune plus de 140 000 visiteurs en cinq semaines, c'est Christian Boltanski, l'un des plus grands artistes français, qui relève le défi en 2010. L’exposition est coproduite par le Centre national des arts plastiques, le Grand Palais et la Réunion des musées nationaux.

Vue de l'exposition - photo Didier Plowy











Né en 1944, Christian Boltanski a développé, depuis les années 1970, une carrière internationale qui le place au premier rang de la création contemporaine. L’installation inédite qu’il a créée pour MONUMENTA 2010 est conçue comme une expérience frappante, à la fois physique et psychologique, un moment d’émotion spectaculaire qui questionne la nature et le sens de l’humanité. Investissant l’ensemble de la grande nef, il crée un lieu de commémoration visuel et sonore d'une densité exceptionnelle. L'œuvre engage une réflexion sociale, religieuse et humaine sur la vie, la mémoire, la singularité irréductible de chaque existence, mais aussi la présence de la mort, la déshumanisation des corps, le hasard de la destinée. A cette installation il donne le nom évocateur de Personnes.

Œuvre visuelle, mais aussi sonore, l’installation inédite réalisée pour le Grand Palais aborde un thème nouveau pour l’artiste, qui poursuit sa réflexion sur les limites de l’humanité et la dimension essentielle du souvenir : la question du destin et de l’inéluctabilité de la mort. Conçue comme une œuvre unique, qui transforme l’ensemble du bâtiment par la création d’une ambiance particulièrement émouvante, l’installation s’offre au visiteur comme un gigantesque tableau animé. L’œuvre Personnes est une création à caractère éphémère. Selon la volonté de l’artiste, les éléments qui la constituent seront recyclés à l’issue de l’exposition.

Les œuvres de Christian Boltanski sont adressées à tous, elles interpellent et ébranlent. Sous la Nef du Grand Palais, le visiteur oublie toute référence muséale, il fait corps avec la scène vivante de l'art et de la mémoire. L'artiste, selon Boltanski, est celui qui dévoile au spectateur « une chose qui était déjà en lui, qu'il sait profondément ; il la fait venir à hauteur de la conscience ». Théâtre de la remémoration, MONUMENTA 2010 questionne le sens de la destinée humaine et affirme la place faite à chacun dans la mémoire collective.

Dans le cadre de MONUMENTA, Christian Boltanski poursuit la collecte d’enregistrements de battements de cœurs qu’il a engagée pour réaliser les Archives du cœur : les visiteurs sont invités à enregistrer le son des battements de leur cœur et à en faire don à l’artiste.

L'art de notre temps, pour tous les publics

Le Centre national des arts plastiques, coproducteur des grandes expositions d’art contemporain au Grand Palais, a une exigence : proposer à tous les publics des conditions d’accueil et d’accompagnement exceptionnelles.

Pour permettre au public d’aller à la rencontre des œuvres, les propositions sont variées afin de répondre au mieux aux attentes de chaque visiteur :
- De nombreux médiateurs spécialisés ;
- Des actions pédagogiques adaptées ;
- Une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire tout au long de la manifestation.

Le tarif d’entrée volontairement bas : 4€ (2 € au tarif réduit) permet à loisir de découvrir et de redécouvrir la manifestation.

Le Centre national des arts plastiques, fidèle aux missions de service public du ministère de la Culture et de la Communication / Délégation aux arts plastiques, poursuit son engagement et offre un système de médiation essentiel à la compréhension de l’art de notre temps. La médiation culturelle propose de développer un rapport renouvelé à l’art, un rapport chaleureux et inscrit dans l’échange et la discussion. En accompagnant les visiteurs, le médiateur invite le public à rassembler ses connaissances et exprimer ses perceptions pour construire sa propre compréhension des œuvres.

Plusieurs éditions

A l'occasion de l'exposition Christian Boltanski au Grand Palais, le Centre national des arts plastiques et la revue art press coéditent un album de l'exposition. Largement illustré, il réunit plusieurs grands articles publiés depuis 1970 dans artpress sur Christian Boltanski ainsi qu'un entretien inédit entre l'artiste et le critique Georges Didi-Huberman.

La monographie de Christian Boltanski est co-écrite par Catherine Grenier, directrice-adjointe du Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, commissaire de l'exposition et Daniel Mendelsohn, écrivain américain (auteur du roman Les Disparus, édité par Flammarion, qui a rencontré un grand succès, tant critique que public). Des textes inédits de Christian Boltanski et un facsimilé du livre d’artiste (édité en 20 exemplaires en 1974) Les morts pour rire de Christian Boltanski complètent le texte critique de Catherine Grenier et une conversation avec Daniel Mendelsohn.

Edité sur DVD par Arte, le film documentaire de 52 minutes, intitulé LA VIE POSSIBLE DE CHRISTIAN BOLTANSKI, Portrait fantôme de l'artiste, écrit et réalisé par Heinz Peter Schwerfel, produit par Schuch Conseils et Productions propose, avec la participation du Cnap, un bonus dédié au montage de l’œuvre Personnes pour MONUMENTA 2010 dans la Nef du Grand Palais.

lundi 18 janvier 2010

Opération de la dernière chance pour l'hôtel Lambert

Claire Bommelaer
pour le fig


Installé sur l'île Saint-Louis,à Paris, l'hôtel particulier a été construit entre 1642 et 1644 par Louis Le Vau pour Jean-Baptiste Lambert, secrétairedu roi.
Installé sur l'île Saint-Louis,à Paris, l'hôtel particulier a été construit entre 1642 et 1644 par Louis Le Vau pour Jean-Baptiste Lambert, secrétairedu roi. Crédits photo : AFP
Alors que le Conseil d'État doit se prononcer sur le sort réservé à ce bâtiment parisien du XVIIe siècle acheté par un prince qatarien, des négociations ont lieu au plus haut niveau pour trouver un arrangement à l'amiable.

Plus de deux ans après avoir été acheté par un prince qatarien, l'hôtel Lambert, magnifique édifice parisien du XVIIe siècle, est au cœur d'un incroyable imbroglio, dans lequel pouvoir, argent et vieilles pierres font mauvais ménage. D'ici à la fin du mois, le Conseil d'État devrait se prononcer sur la faisabilité des travaux projetés par le nouveau propriétaire. Déjà, le tribunal administratif de Paris a rejeté par deux fois sa requête, et les paris vont bon train sur l'issue de la décision.

C'est si «sensible» que le ministère de la Culture a engagé des négociations secrètes pour que le dossier se règle à l'amiable, d'ici à la mi-janvier. Car ce qui est devenu «l'affaire Lambert» est bien plus qu'une histoire de gros œuvre. Elle mouille la Mairie de Paris, qui semble incapable d'accueillir de grands investisseurs à Paris, les associations de sauvegarde du patrimoine qui apparaissent comme jusqu'au-boutistes, le ministère de la Culture, qui semble peiner à défendre le patrimoine français, et les Qatariens, vus comme des propriétaires indélicats. «Franchement, tout le monde gagnerait à négocier», résume David Kessler, conseiller chargé de la Culture auprès de Bertrand Delanoë, qui a été nommé médiateur avec Jean Gauthier sur ce dossier.

En 2007, la famille Rothschild décide de vendre cet hôtel particulier qu'elle habitait depuis trente ans. Le bâtiment, majestueux, installé sur l'île Saint-Louis, fait partie du circuit des Bateaux-Mouches et constitue un but de promenades le long de la Seine. Construit au XVIIe siècle par Louis le Vau pour Jean-Baptiste Lambert, possédant une entrée monumentale, des pièces classées dignes de Versailles et une série d'appartements, il a vu défiler les gloires de l'Europe, dont Voltaire. On doit ses décors peints à Eustache Le Sueur, mais aussi à Charles Le Brun. À côté du cabinet de l'Amour, de celui des Muses et de celui des Bains, la flamboyante galerie d'Hercule vaut à elle seule le détour.

Fêtes célèbres dans le jardin suspendu

Au XIXe siècle, l'hôtel devient la propriété de la famille polonaise Czatoryski, qui orchestre une riche vie mondaine dans laquelle Chopin, George Sand et Eugène Delacroix font bonne figure. Au XXe siècle, le baron de Rédé, nouveau propriétaire, y donne des fêtes célèbres dans le jardin suspendu. Son dernier propriétaire, le baron Guy de Rothschild, décédera quelques jours avant la vente effective au frère de l'émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa-al-Thani, qui se dit «passionné d'art et de patrimoine français».

Au moment de la transaction, plusieurs hôtels particuliers parisiens ont déjà été rachetés par des personnalités du Golfe, par des Russes ou des groupes chinois. Lentement, une tension monte autour du devenir du patrimoine français, sur lequel des «étrangers» feraient «main basse». Des rumeurs circulent autour de plusieurs hôtels particuliers dans lesquels des salles de squash ou des Jacuzzi tiendraient lieu de restauration.

Rassuré, ou peut-être endormi, par ses relations «haut placées», le prince qatarien est à mille lieux de ces rumeurs. Il se dit prêt à mettre l'argent qu'il faut sur la table - 60 millions d'euros ! -, s'entoure d'un avocat, Me Ginter, d'Alain-Charles Perrot, architecte en chef des monuments historiques, qui a notamment rénové l'Opéra Garnier, et du très chic Alberto Pinto, décorateur des grands de ce monde. Mais Alain-Charles Perrot intervient là à titre privé.

Hallali médiatique

En décembre 2008, projetant de faire pour 50 millions de travaux de rénovation, le nouveau propriétaire dépose un dossier, pour avis, à la commission du Vieux Paris, instance liée à la Mairie de Paris. Ce qui devait être une formalité se transforme en affaire d'État. «On a vu arriver un dossier épais comme le poing, faisant état d'ascenseurs, de parking à voitures sous le jardin, de nouvelles lucarnes, de plusieurs salles de bains, y compris au-dessus de pièces classées», raconte à l'époque Colombe Brossel de la Mairie de Paris. La commission s'insurge, dépose un avis négatif. Surprise : le ministère de la Culture, qui doit aussi se prononcer sur tous les travaux dans des bâtiments classés, se montre moins sévère. Il met sur pied une commission scientifique, réclame quelques correctifs - notamment l'abandon d'un escalier qui aurait endommagé un plafond à solives.

Après quoi, l'ancienne ministre de la Culture, Christine Albanel, donne, en juin 2008 - jusqu'avant le remaniement gouvernemental - un avis favorable aux travaux. «Je n'ai eu aucune pression d'aucune sorte pour ce faire», affirme l'ancienne ministre. À l'époque, ses services lui font valoir qu'il y a déjà deux ascenseurs dans l'hôtel, une dizaine de salles de bains et que l'autorisation de parking relève de la Mairie de Paris.

C'est Jean-François Cabestan, architecte du patrimoine, maître de conférence à Paris-I, membre de la commission du Vieux Paris, qui sonnera l'hallali médiatique. Cabestan est un des purs produits de la défense du patrimoine français. Intransigeant, cultivé, un peu en marge du temps, sorte de gardien du temple, l'homme sent qu'il tient son heure. L'association Paris Historique, qui défend les vieilles pierres, et dont il est membre, va servir de base à son combat.

D'autant que l'actrice Michèle Morgan, qui habita un des appartements de l'hôtel jusqu'en 1976, monte une pétition. Jean-Loup Dabadie, Marc Fumaroli, Henri Dutilleux, Georges Moustaki ou encore Guy Bedos y apposent leur griffe, autant par amour des pierres que par crainte des travaux et de ce nouveau voisinage : beaucoup sont également propriétaires sur l'île Saint-Louis.

En juillet 2009, l'association saisit le tribunal administratif de Paris pour faire stopper les travaux. En plein mois d'août, puis en septembre, deux audiences se tiennent. À chaque fois, l'ambiance est surréaliste. La salle, venue en nombre, est totalement acquise à l'association. L'architecte en chef se tasse sur sa chaise, pressentant sans doute qu'il joue sa réputation sur ce dossier. Le juge réclame des précisions, des documents. Faute de réponse claire, il donne un avis négatif. Du fond de la salle, un des membres de l'association tonne contre le ministère de la Culture : «Vous vous contrefichez de l'intérêt général !» À la sortie des audiences, Jean-François Cabestan et Pierre Housieaux, le président de Paris Historique, tiennent le haut du pavé devant les caméras. Le site Internet de l'association, jusque-là un peu feutré, explose. L'audience y est relatée en plusieurs langues.

Un propriétaire discret et « blessé »

Face aux people et aux acteurs, le propriétaire reste discret - trop discret, même. L'avocat français qui le représente, Me Éric Ginter, parle sans relâche d'un prince «désireux de faire de l'hôtel une nouvelle maison de famille», mais se montre incapable de faire sortir son client du bois. De fait, bien peu ont réellement visité l'hôtel. Frédéric Mitterrand s'y rend dès son arrivée. Mais l'association Paris Historique a lancé son procès sans y avoir mis les pieds. Le propriétaire n'accordera, en deux ans et demi, qu'une seule interview, à Libération. Il s'y dit «blessé» par l'accueil qui lui est fait et termine en indiquant sobrement qu'il «a absolument confiance dans la justice de (notre) pays».

La réalité est bien plus nuancée que cela. Début décembre 2009, dans le bureau de Frédéric Mitterrand, il fait passer le message suivant : si le Conseil d'État ne lui donne pas raison, il remettra l'immeuble en vente. Convaincus qu'il ne s'agit pas d'une vulgaire partie de poker, Frédéric Mitterrand et Bertrand Delanoë nomment deux médiateurs en les priant de dénouer la crise. Aujourd'hui, le propriétaire serait prêt à abandonner une partie des travaux. De son côté, pressée par une partie de sa base, qui estime que cette transaction est à la base «une erreur», l'association se déchire sur l'issue à prendre. Faut-il laisser tomber, au risque d'avoir l'air de perdre un grand combat ? Faut-il, au contraire, tenir bon, au risque de voir le propriétaire déserter et le bâtiment se dégrader ?

«Il y aura toujours quelqu'un pour reprendre les lieux», juge ainsi Jean-François Cabestan. Pas l'État en tout cas : en décembre, le ministre de la Culture a clairement fait savoir à l'association, reçue discrètement rue de Valois, que la puissance publique «ne reprendrait jamais» l'hôtel Lambert.